Le projet

“Les Esprits Libres” n’est pas un film comme les autres.

Des soignants et des résidents d’un EHPAD de la région parisienne, décident de se lancer dans un projet hors-norme : vivre ensemble pendant deux semaines dans une grande maison non-médicalisée, pour écrire un spectacle fait de théâtre d’improvisation, de musique et de poésie. Dans cette aventure, ils sont accompagnés d’une art-thérapeute, Emanuela Barbone, de trois musiciens (dont Tom Georgel, compositeur de la musique du film) et d’une poétesse, Mélanie Leblanc. Certains soignants font même le choix de venir en famille, avec leur partenaire et leur enfant.

Loin des enfermements psychiques et physiques que l’on connaît parfois en institution, se développe sous nos yeux une expérience thérapeutique unique faite de douceur et de poésie, qui nous invite à poser un nouveau regard sur la maladie et la vieillesse.

Bien sûr la maladie d’Alzheimer est partout, dans les fugues de Didier, l’agressivité d’Anne-Marie, les confusions de Nicole et les désespoirs de Francine. Mais, la complicité que les patients tissent avec les soignants, l’ambiance familiale, la créativité partagée diminuent jour après jour les troubles des personnes “malades” et redonnent aux soignants le « sens du métier ». Et quand la troupe décide d’inviter les habitants de la ville pour assister à leur sortie de résidence, ils font face à un public sidéré de voir à quel point ceux qu’on réduit bien souvent à leur “maladie” sont encore capables de nous émerveiller.

Le réalisateur a souhaité un film lumineux, source de joie et d’inspiration, porté par une musique enlevée. On pleure, on rit, on espère, découvrant la maladie d’Alzheimer sous l’angle du possible et de la vie. A l’heure où près d’un million de personnes sont touchées par cette maladie en France, Les Esprits Libres est une épopée humaine, un récit d’évasion qui se révèle aussi un film-manifeste contribuant à alimenter le débat sur la nécessité de repenser l’accompagnement des personnes âgées dépendantes.

Téléchargements

Un livre manifeste

La sortie cinéma des Esprits libres est accompagnée de l’édition d’un livre-manifeste, soutenu par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et co-écrit par Laure Jouatel, médecin gériatre et autrice d’une étude scientifique sur le projet, Kévin Charras psychologue spécialiste des questions du grand âge et du handicap et Bertrand Hagenmüller réalisateur du film et sociologue.

Cet ouvrage, intitulé “Un autre accompagnement est possible”, s’appuie sur les paroles des patients et soignants présents dans le film documentaire pour mettre en lumière les bienfaits d’un lieu ouvert, intergénérationnel, peu médicalisé, dans lequel la création artistique joue un rôle central. Ce livre, complémentaire au film, s’inscrit dans une démarche transversale, destinée à la fois aux spécialistes et à un large public soucieux de s’interroger sur le sujet. Il est une contribution théorique, pratique et politique pour imaginer de nouvelles formes.

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Les personnages

Les patients

Didier, 78 ans

Père de Guy-Manuel de Homem-Christo, l’un des deux célèbres Daft Punk, Didier est ancien publicitaire, un personnage haut en couleur animé par la musique, le théâtre et la philosophie. Didier se perd souvent. Ne reconnaît plus sa maison, se pense dans son agence de pub qu’il a pourtant quitté il y a plus de 20 ans. Désorienté, il fugue, disparaît. Il cherche à retrouver le fil de ses pensées, à transpercer le brouillard qui obscurcit sa mémoire : “Quand vous êtes dans le brouillard, nous dit-il, vous êtes perdu, à côté de vous, contre vous. Alors il faut savoir se débrouiller… se débrouiller… on n’y pense jamais mais ça veut dire clairement se défendre contre le brouillard”. Au fil et à mesure de la résidence on le voit prendre ses marques, ne plus avoir besoin des anxiolytiques qu’il consomme pourtant abondamment dans son Ehpad.
Tant et si bien qu’à la fin de la résidence il ne veut plus quitter les lieux.

Anne-Marie, 88 ans

Anne-Marie est éteinte lorsqu’elle rejoint l’équipe des Esprits Libres. On la dit “sur le départ”. Et pourtant ! Quelle n’est pas notre surprise de la voir littéralement se redresser au milieu de cette grande maison au contact des jeunes soignants et de leurs enfants. Et quand elle monte sur scène, elle retrouve la verve et le panache du temps où elle était magistrate : “Le théâtre c’est un immense champ où tout le monde à sa place” lance-t-elle au débotté.
Anne-Marie a de l’humour, beaucoup d’humour. Difficile de savoir si elle plaisante sur scène quand elle joue le médecin face à Lucie (une soignante qui elle, pour l’occasion, joue la malade) qui dit avoir perdu la mémoire et le sens de l’orientation : “Vous vous perdez même quand c’est tout droit ? Alors soyez de travers !”. A d’autres moments elle se fait philosophe, questionnant de manière troublante notre rapport au réel :« Les choses t’apparaissent d’une certaine manière. Mais cette manière est-elle bonne, tu n’en sais rien. Elle peut être fausse, tu peux voir les choses complètement faussement mais tu ne le sais pas”. Avec Anne-Marie, à chaque instant, le désespoir côtoie le splendide.

Antoine, 78 ans

Contrairement à la plupart des malades atteints par la maladie d’Alzheimer, Antoine a conscience de perdre la mémoire. Il est encore jeune, et en forme physique et la perspective de la maladie qui gagne chaque jour un peu plus du terrain, le submerge de tristesse. Heureusement il y a le théâtre et la danse. Tous les soirs avec les autres Esprits libres il se fait une joie d’aller au bal que donne les musiciens. Il danse à n’en plus finir. Et puis il y a l’amour, celui qui porte, celui qui sauve : “L’amour, l’amour, l’amour, c’est un médicament… et puis c’est ça qui m’anime !”. D’ailleurs, même dans cette ambiance de fête, il ne peut supporter la distance avec sa nouvelle compagne, résidente du même Ehpad qui, elle, n’est pas du voyage. Après de longs échanges, l’équipe décide de la faire venir au manoir. Des retrouvailles intenses et une joie première qui balaie un instant la maladie.

Nicole, 90 ans

Nicole est double. Elle est menue mais paraît solide, parle peu mais toujours avec précision et justesse. Elle peut rester des heures immobile mais quand elle se met à danser, personne ne peut l’arrêter. Longtemps meurtie par le suicide de son fils, aujourd’hui Nicole semble “ailleurs” (elle dit habiter chez ses parents et pense parfois avoir 8 ans, parfois 20). Pourtant, dans ses improvisations théâtrales, il est souvent question de poupons, elle s’illumine dès qu’elle aperçoit Gleen et Pïa, les enfants des soignants présents pendant la résidence et, lors d’un atelier d’écriture, nous livre ses mots aussi obscurs que lumineux : “Je vous souhaite l’enfant que j’ai bercé”.

Les soignants

Ceux que nous appelons “soignants” sont en réalité l’ensemble des professionnels engagés dans le projet. Si leur point commun est de travailler dans le même Ehpad, leurs métiers sont très différents : psychologue, infirmière, aide-soignants, éducateur sportif, agent d’accueil, animateur, agent d’entretien. Certains de ces professionnels sont venus “en famille”, accompagnés de leur compagne et de leur enfant, contribuant ainsi à nourrir une vie commune riche de relations intergénérationnelles.

Justine, aide-soignante, 25 ans

Avec ce projet, j'ai retrouvé le sens de mon métier

Justine est pour le moins directe et ne s’embarrasse pas de détour pour dire ce qu’elle pense. Peu à l’aise avec le théâtre (elle ne faisait pas partie de la troupe de théâtre de l’Ehpad) elle accepte de venir aux Esprits Libres moins pour la dimension créatrice que pour “vivre autrement” son métier.
Justine, contre toutes attentes, s’émerveille des effets du théâtre et de la musique sur les patients, prend un plaisir insoupçonné à jouer elle-même dans les scènes et surtout retrouve goût à son métier : “Avant de venir j’avais envie d’arrêter ce boulot d’aide-soignante… parce que c’est trop dur. Mais ça m’a reboostée, c’est comme si j’avais enfin trouvé le sens véritable de mon métier. Vivre en famille avec les patients, se sentir utile, c’est ça le coeur de mon travail. Et je me rends compte avec ce projet que c’est possible contrairement à ce qu’on essaie de nous faire penser!»

Emanuela, art-thérapeuthe cheffe d’orchestre du projet, 34 ans

Si y'a de la joie ça va marcher

Lumineuse, douce et bienveillante, Emanuela travaille depuis 2013 comme art-thérapeuthe dans des associations, hôpitaux, cliniques psychiatriques et maisons de retraites. Depuis près de 10 ans elle mène régulièrement des ateliers théâtres avec les patients et les soignants de la villa d’Epidaure. Ensemble, ils développent plusieurs spectacles et entament même une tournée à travers la France dont le point culminant fut une représentation dans la célèbre salle Gaveau à Paris. C’est fort de cette expérience commune et de cette complicité jamais démentie, qu’Emanuela propose au groupe l’aventure des Esprits Libres.

Kaël, psychologue, 35 ans

Un lieu vivant, où il y a de la danse, du Théâtre, avec des enfants... ça vaut tous les médicaments du monde

Kaël n’est pas vraiment un psychologue de bureau. Il aime partager du temps avec les résidents et ses collègues soignants. Engagé depuis des années dans le projet théâtre, il s’est saisi des Esprits Libres comme l’occasion de mettre en pratique son idéal de l’accompagnement : un lieu ouvert, créatif et intergénérationnel. Pour partager cet idéal en famille, il embarque dans l’aventure Marie, sa compagne, et Pïa sa fille de 3 ans.
Toutes les deux vont prendre une place centrale dans le projet. Pïa sera le rayon de soleil des résidents et Marie, graphiste de profession, va découvrir avec émerveillement le métier de son compagnon. Tant et si bien qu’au retour du séjour elle décide de changer de métier pour travailler dans le soin.

Steven, éducateur sportif, 34 ans

Ici il n'y a plus de relations soignants-soignés, plus de blouse blanche. Il y a des gens qui vivent ensemble

Steven est un humaniste à la patience inaltérable. Il a choisi de travailler avec des personnes âgées au grand étonnement de tous ses collègues de promotion. Il cultive une belle proximité avec chacun des résidents, persuadé que c’est par la tendresse et l’attention qu’il est possible d’accompagner au mieux les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Lui aussi est venu au Manoir avec sa compagne Adeline et son nouveau-né de 6 mois, Gleen.

Tom, 33 ans, compositeur, musicien et chef d’orchestre de la création musicale

Jeune et brillant musicien, il est aussi un personnage délicat et enjoué, avide de nouvelles aventures. Accompagné de Katharina, violoncelliste et de Anne-Lise, clarinettiste et chanteuse, tous les trois illuminent de leur musique autant les moments de théâtre que les moments du quotidien. Ils représentent aussi les “novices” qui ne connaissent rien ou presque à la maladie d’Alzheimer et vont pourtant se relever, chacun à leur manière, de très attentifs accompagnants.

Mélanie, 42 ans, poétesse

Mélanie apporte avec elle un de ses recueils de poésie : “Les étoiles filantes” (éditions Venterniers) dans lequel elle égraine des souhaits poétiques.
Ce livre sera une source d’inspiration inépuisable dans la résidence des Esprits Libres. Sur les vitres du Manoir ou sur des papiers dispersés ça et là, ils sont omniprésents dans la résidence. Jusqu’à inspirer aux résidents l’écriture de leurs propres souhaits (qui viendront ponctuer la dernière séquence du film).